samedi 28 juillet 2007

Les comptables de Dieu

Ces temps-ci on observe la prolifération d’un nouveau genre de comptables, d’hommes et de femmes d’affaires. Mais ils ne comptent pas l’argent, ils n’amassent pas des trésors en pierres ou métaux précieux. Ils n’investissent pas en actions sur le marché financier ni en immobilier en tous cas pas tel qu’on le connaît. Hélas, ce en quoi ils investissent n’est pas plus noble. Cette nouvelle richesse est la rétribution, la rémunération pour les « bons actes » "الأجر" ; et j’insiste sur la traduction littérale du mot arabe ajr. C’est réellement une rétribution, elle se compte en points et il y a un barème et une grille de rémunération bien précis. C’est un compte d’épargne qu’on ouvre auprès du seigneur et dans lequel toutes les transactions sont consignées en débit ou en crédit.

Ce n’est pas ce système qui me choque : qu’on puisse attribuer à chaque acte humain une valeur en bon ou mauvais points n’est pas critiquable en soi. Ce qui me choque c’est la course effrénée des gens pour accumuler ces points : l’objectif n’est plus l’acte en soi mais les points qu’il pourrait rapporter. Du coup, tout acte humain perd immédiatement son humanité au profit d’un froid calcul comptable. C’est comme quand un élève étudie, non pas pour la connaissance, mais pour la note, pour réussir l’examen : au diable le savoir !

On n’aide plus un mal voyant à traverser la rue par humanité, non mais pour la rémunération. On ne laisse pas à une vieille personne sa place dans le métro par humanité, non mais pour la rémunération. On ne donne pas à un mendiant par humanité, non mais pour la rémunération. On n’entend que ça sur leurs bouches : c’est pour la rémunération, ou pour la miséricorde pour les parents : une sorte de transfert de fonds. L’un pouvait ne pas empêcher l’autre, mais quand l’intention de l’acte est biaisée, l’acte lui-même s’en trouve taché. Et ces actes ne concernent pas que les humains entre eux : même quand ils se lèvent pour la prière de l’aube ils le font pour la rémunération, quand il jeune c’est pour la rémunération.

Mais pourquoi amassent-ils ainsi les bienfaits ? De peur de voir la balance pencher du mauvais côté ! Mais qu’est ce qui ferait pencher la balance du mauvais côté si ce n’est les méfaits ? N’est il pas dit que chaque graine de bienfait sera compté et que chaque graine de méfait le sera aussi. Ont-ils si peu confiance en cette balance ? Ou bien, sont-ils si conscients de leurs mauvaises âmes ? Ont-ils si mauvaises consciences qu’ils ne pensent plus qu’à remplir leurs comptes d’épargne. Et puis, ça ne fait pas de mal de mettre un peu de pécule de côté, ça peu toujours servir : à quoi bon se soucier de garer sa voiture en 2ème position, serait-ce un pécher ? La prière du vendredi le lavera. Pourquoi ne pas penser du mal d’une personne – qui soit dit en passant le mérite toujours – quand on lit chaque nuit 2 partis du livre avant de dormir, la conscience tranquille. Pourquoi ce soucier de ceux qui ont faims quand on jeune tous les lundis et jeudis ? Ainsi, on ressent la souffrance de ces pauvres gens. Le proverbe dit « ne me donne pas un poisson, apprends moi à pécher », ça devient « je ne te donne pas de poisson, mais je partage ta souffrance – quelques jours par an ». Et puis ce n’est pas à eux de les nourrir, c’est … non, pas à Dieu, mais à l’état, de le faire. Pourquoi cet homme fortuné irait construire un dispensaire : ça rapporte plus de construire une mosquée, et c’est mieux vue par les gens ; les dispensaires c’est l’affaire de l’état. Plus la mosquée sera belle et grande, plus le palais au paradis sera beau et grand.

Car il y a des degrés au paradis : plus on fait de bien, plus on monte ; il faut plutôt dire : plus on amasse de points, plus on monte, plus on a de palais et de femmes, éternellement vierges, éternellement « propres ». Mais on ne parle pas des femmes. Qu’en ait-il d’elles ? Elles aussi amoncellent les points. Elles seront avec leurs époux. Si celui-ci n’a pas amassé autant de points qu’elle, elle devra quand même être avec lui : elle ne se serait pas dévouée à lui toute sa vie pour lui fausser compagnie maintenant ! Il n’aurait pas sauvegardé son honneur avec autant de hargne et de zèle, parfois même dans le sang, pour qu’il soit maintenant souillé. Et s’il n’est pas au paradis ? Alors elle aura l’insigne privilège et l’incomparable honneur d’être dans la suite d’un de ces bons croyants, peut être un des compagnons, peut être même un de ceux qui ont sacrifiaient leurs vies pour avoir 70 vierges éternelles en se faisant exploser dans un marché ou un train, emportant ainsi avec eux plusieurs autres âmes d’enfants, de vieillards, de femmes. Mais si les grands iront probablement en enfer, n’ayez aucune inquiétude pour les enfants, des cheiks – les plus gentils - leurs ont trouvé une échappatoire : ils grandiront le cortège des serviteurs et des anges qui veillerons au confort de ces martyrs, qui ont fait explosé le compte en banque du ciel avec leur grand acte de bien.

Sinistre calcul qui dépouille l’acte de son humanité. Ce n’est même pas un appel à la réciprocité, aidé pour être aidé, secourir pour être secouru. Sombre calcul qui lave les consciences des âmes et permet de dormir tranquille avec le sentiment d’avoir fait ce qui était bien.

2 commentaires:

عماد حبيب a dit…

دين أم تجارة ؟

أتابع دوما ما تكتبه و تعلم أني غالبا أوافقك

تحياتي

Kanvan a dit…

@Imed :
سيقولون "أحل الله التجارة..."
مرحبا بك دائما