jeudi 5 juillet 2007

Et si le train était déjà passé...

Au cours du siècle dernier, la démocratie et la liberté étaient sous nos cieux des idéaux, de nobles causes et des objectifs à atteindre. Je croyait, un peu naïvement, que ce n’était qu’une question de temps : le temps que les mentalités changent, que l’on s’imprègne de cette culture. Mais ces derniers temps je commence à douter de l’aboutissement de ce projet et je crains que ce jour ne vienne jamais même si certains élans me rassure un peu. Deux choses ont contribué à me faire douter. La 1ère est que je croyais ces idéaux profondément enracinés en occident et qu’ainsi ces pays constitueront toujours pour nous des points de mire, des balises nous permettant de ne pas trop nous éloigner de notre quête. Je suis encore convaincu de ça et des personnes comme les actuels chefs de France et des USA ou l’ex chef du gouvernement italien ne me font pas peur et que précisément ce ne sont que des personnes qui ne peuvent rien contre les fortes institutions de leurs pays. Mais à combien de « loi patriote » résisteront les remparts des libertés, à combien de guantanamo et de statuts type « combattant ennemi » résistera l’idéal de justice. Combien de fichiers croisés et de caméras de surveillance avant que ne cède les digues de la vie privée et combien résistera la sagesse du partage de pouvoir avant que le réflexe de peur, l’instinct animal de préservation quand on est attaqué ne livrent les clés du pouvoir absolu aux défenseurs de la nation.

La 2ème chose qui me résigne vient de nous. C’est le changement de discours que je pressens depuis quelques années. Au début c’était un discours marginal, radical qu’on pourrait presque qualifié de blague si le sujet n’était pas si sérieux. Ce discours consiste à dire que la démocratie et la liberté sont des inventions du monde occidental pour miner nos sociétés et les dépravés et que le seul moyen pour nous de renaître est de revenir au régime du glorieux passé et de se laisser guider par nos droits aïeuls (el-khalaf assalih). C’est vrai que ce discours est vieux de plusieurs siècles, mais je ne l’ai jamais senti aussi pressant, aussi menaçant qu’aujourd’hui. Aujourd’hui il attire de plus en plus les masses, il les séduit, il les fait rêver, il les leurre. J’aurais bien aimé rêver moi aussi et croire en lui mais, hélas au lieu de me rassurer, il me fait peur. Au lieu de me séduire il me repousse. Quand on parle de passé glorieux, on fait référence à celui des Califes bien guidés, peut être aux Omeyyades, pourquoi pas les abbassides. Que nous dit ce Passé :

Le 1er calife a été presque imposé de fait. Son règne de deux ans a été marqué par des insurrections, des rébellions et des guerres que je qualifierais de civiles. Le 2ème, peut être le plus intelligent de tous ses contemporains, fut désigné par son prédécesseur. Il a lancé la conquête de nouveaux territoires ce qui est triplement bénéfique : il rassure le peuple sur l’expansion de sa religion, il l’occupe et fait rentrer les richesses. Il a été tué par un esclave. Le 3ème a été choisi parmi six personnes. Il a été tué lui aussi, par des musulmans qui lui reprochaient son favoritisme, sa faiblesse et de laisser s’installer la corruption et la dépravation. Quand Aïcha (femme préférée et confidente du prophète) a appris la nouvelle de sa mort, elle a sauté de joie mais en apprenant le nom de son successeur, elle a vu rouge. Le 4ème (cousin et gendre du prophète) a pris le pouvoir suite à un vide et à la demande d’une grande frange de la population. Lui aussi a été tué par des musulmans, de son propre camp après avoir fait la guerre aux partisans de Muawiya soutenu par… Aïcha. Les Omeyyades, qui ont pris le pouvoir par la force ont massacrés les partisans de Ali et qu’on je dis massacrer c’est passer par les armes tous les males pouvant en porter une, violer les femmes (musulmanes) et les vendre comme esclaves avec les enfants. Les Abbassides, n’ont pas fait mois… je ne vais pas plus loin.

Du sang, il y en a toujours eu. La révolution française s’en est nourrie pendant des décennies, l’américaine n’a pas été en reste. Mais derrière et au bout, il y avait des idéaux humains. Le seul idéal que nous propose les tenants de ce discours aujourd'hui, est un retour vers un passé douteux.

4 commentaires:

CITIZEN a dit…

Je ne viens pas remettre en question des vérités historiques que tu viens de citer brièvement.
Je crois cepedant qu'il faut cesser de voir le monde en noir et blanc, en bien et en mal, cette vision dichotomique parfois trop simplificatrice. Pour pouvoir juger objectivement des hommes ( et des faits), il faut commencer par les désacraliser, ce que tu fais brillement.
Les califes avaient leurs points forts et leurs faiblesse comme tout humain. Mais temps du Califat est buien sur révolu.
Merci, note très consistante.

Kanvan a dit…

Je suis d'accord avec toi : rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir. Et notre avenir dois ce décider à travers une lecture saine de notre histoire et de notre présent loin des dogmes, des absolus et des recettes toutes faites.
Merci pour ta contribution.

mahéva a dit…

Hors sujet
Est-ce que tu es tenté de répondre à cette invitation pour connaître tes préférences littéraires:
http://lesraisinsdelacolere.blogspot.com/2007/07/tout-ce-que-vous-avez-os-demander-sur.html

Kanvan a dit…

@Mahéva : tu trouveras tout sur